Violaine Bérot,
l'esprit de la montagne
L'écrivaine vit nichée dans les Pyrénées.
Elle y écrit ses romans, souvent intimes, inconsciemment inspirés du territoire ariégeois.

Il faut marcher une bonne dizaine de minutes pour arriver à la cabane où habite la romancière Violaine Bérot, dans les hauteurs de la vallée du Biros. Un chemin étroit et pentu, au cœur d’une épaisse forêt, que Violaine a l’habitude d’arpenter. Une fois arrivée là haut, la vue panoramique permet d’apercevoir les sommets enneigés des montagnes.
Installée en Ariège depuis 20 ans, Violaine Bérot a laissé la ville et son travail d’ingénieure en informatique pour vivre avec le strict nécessaire, dans une de ces petites maisonnettes en bois et en pierres, illégales, dotées d’un panneau solaire et d’une réserve d’eau de pluie. Entourée de fleurs, des soucis jaune éclatant, elle se sent “très libre” dans sa “solitude volontaire”.


Face aux sommets enneigés, l'auteure a installé un fauteuil pour lire.
Face aux sommets enneigés, l'auteure a installé un fauteuil pour lire.
Le regard souriant et serein, Violaine est une femme avec des convictions. On peut le lire sur son visage. Chaussures de marche vissées aux pieds, cueillant des fraises des bois, celle qui se définit comme "artiste", évolue indéniablement dans son élément. Si elle vit seule, elle n'apprécie pas moins les échanges avec ses lecteurs et quitte parfois son coin de paradis pour aller à leur rencontre.
Violaine Bérot écrit les jours de mauvais temps, et s’enferme alors dans sa cabane. Les jours où il fait beau, elle jardine et lit beaucoup sur son large fauteuil en osier orienté vers la vallée. En face d’elle, la vue n’est jamais la même. Elle oscille à la faveur de la météo, tout comme les odeurs de la forêt. Elle écrit à peu près un roman tous les trois ans. Le dernier, “Comme des bêtes”, est paru en avril aux éditions Buchet-Chastel.
Habituée aux romans de l’intime, Violaine Bérot explore dans son nouvel ouvrage ce qu'est “d'être un enfant puis un adulte jugé anormal dans une société sécuritaire et hygiéniste.” Si elle n’évoque jamais le lieu de son récit, l'écrivaine y décrit un petit village, des montagnes et des grottes et mentionne les ours. Comment alors ne pas penser à l’Ariège ? L’auteure l’admet, la région l’inspire. Pourtant, seuls ces deux derniers romans empruntent ses décors orographiques. “J'ai mis 17 ans avant de commencer à écrire vraiment des histoires qui se passent dans un territoire qui ressemble au mien”, affirme t-elle. Ses personnages habitent dans des villages, des maisons comme la sienne dans de petites vallées de montagne, avec “des vies assez à la marge, où il y a beaucoup d'entraide”. Ses histoires s'inspirent de l’environnement dans lequel elle évolue : “j’essaye d'être cohérente entre ce que je vis et ce que j’écris”, raconte-t-elle de son léger accent pyrénéen.


Lorsque le temps le permet, l'écrivaine sort ses lunettes et un livre.
Lorsque le temps le permet, l'écrivaine sort ses lunettes et un livre.
Vivre autrement...
Mettre “un peu de “politique” ou de sociétal sans tomber dans un récit moralisateur”, voilà ce que souhaite Violaine Bérot. Un tournant dans son œuvre. Un besoin de s’engager. L'écrivaine remet sur la table “des utopies nécessaires et dans lesquelles il faut croire”.
Avec un regard déterminé, la romancière analyse “je pense que mon dernier livre bouscule parce qu’il arrive à ce moment-là, un moment de crise”. Violaine Bérot a travaillé trois ans sur son roman “Comme des bêtes”. Bien avant la pandémie, elle sentait “venir quelque chose”. “Il y avait urgence à écrire sur une autre façon de vivre, qui est possible”, ajoute t-elle.
Cette autre façon de vivre, Violaine Bérot en a fait l’expérience. A 30 ans, elle a tout plaqué pour s’installer dans les sommets ariégeois en cohabitation avec les sangliers. Aujoud’hui, elle se dit “incapable de vivre en ville”. Le monde citadin lui donne mal à la tête. Revenue au pays, elle a pendant 12 ans, élevé des chèvres pyrénéennes, fabriqué son propre fromage qu’elle n’a jamais déclaré et qu’elle troquait au marché de Saint-Girons. "À 18 ans, je rêvais déjà de vivre comme ça”, s'exclame-t-elle. Désormais, Violaine Bérot se contente de très peu et dit ne se priver de rien. Cette affranchie “ne regrette pas du tout ce choix” et a l'impression d’avoir une “vie luxueuse''.

Terre de résistance
Depuis sa terrasse naturelle, Violaine apercoit les sommets enneigés du Mont Valier. Cette province du Couserans, elle la décrit comme un “territoire particulier” où “il y a de la pente et il faut y monter, ce sont des terres de résistance”. Il y règne solidarité et sécurité. Ceux qui y sont installés cherchent avant tout la tranquillité. Dans la Vallée de Biros, il n’y a que très peu de tourisme et pas de pistes de ski. Depuis la crise sanitaire, “de plus en plus de monde vient s'installer ici”, esquisse-t-elle. "La meilleure identité pour le Couserans serait de réussir à mélanger la population autochtone née ici et les néo-ariégeois”, qu’elle-même désigne comme toute personne “qui n’a pas 3 générations dans le cimetière”. A l’image de l'épicerie associative du village voisin, qui symbolise pour elle la promesse tenue de ce territoire où chacun trouve ce qui lui correspond. Pour l’auteure qui a fait le choix de la nature et utilise les mots pour repenser le monde de demain, tout est toujours à construire: “il faut se faire la vie la plus belle possible et croire en sa bonne étoile”.