Rue d'Aubagne, deux ans après : des avancées "sous la pression populaire"


À 9h05 le 5 novembre 2018, les immeubles du 63 et du 65 rue d'Aubagne s'effondrent à Marseille et provoquent la mort de huit personnes. Ce drame a révélé la gravité de la situation du logement dans la ville et conduit à l’évacuation de plus de 5 000 personnes mal-logées. Une situation qui dure, comme en témoignent Léa et Naïma, deux délogées que nous avons rencontrées, mais surveillée de près par les collectifs citoyens. Deux ans après, où en est-on ?

Un homme dépose une fleur sur les barrières de chantier devant les immeubles absents, 5 novembre 2020 - Julie Malfoy

Un homme dépose une fleur sur les barrières de chantier devant les immeubles absents, 5 novembre 2020 - Julie Malfoy

Un homme dépose une fleur sur les barrières de chantier devant les immeubles absents, 5 novembre 2020 - Julie Malfoy

L’hommage se termine à 9h38, sur un “Merci pour eux” crié à pleine voix. La place Homère, rebaptisée Place du 5 novembre 2018 par les habitants du quartier Noailles à Marseille, mêle silence lourd et discussions. 

Des bougies sont alignées partout. Devant les portraits des huit victimes. Sur les barrières de chantier qui empêchent l’accès au trou béant qui remplace désormais les deux immeubles. Derrière les barrières entre des fleurs. La rue d’Aubagne, réouverte depuis le 28 octobre, est pleine de monde. “C’est fou de se dire que c’était il y a deux ans, et qu’on vient à peine de rouvrir la rue”, murmure Valentin G., un étudiant marseillais. Un florilège d’affiches et de dessins baptisés Dans l’rétro retracent les deux ans, scotchés sur les barrières de chantier qui longent toujours le côté impair de la rue. L’hommage ne s’arrête pas au drame, il remonte même à Zineb Redouane, figure marseillaise des victimes de violences policières.

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Des bougies en hommage aux victimes de la rue d'Aubagne. Le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Des bougies en hommage aux victimes de la rue d'Aubagne. Le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Des bougies en hommage aux victimes de la rue d'Aubagne. Le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Des bougies en hommage aux victimes de la rue d'Aubagne. Le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Des bougies en hommage aux victimes de la rue d'Aubagne. Le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Des bougies en hommage aux victimes de la rue d'Aubagne. Le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

"C'était très émouvant"

Yves Doazan, 63 ans, membre du Collectif 5 novembre 2018, était aux commémorations ce 5 novembre 2020. "C'était très émouvant", confie-t-il. Lui et d'autres ont acheté une cinquantaine de flambeaux qu'ils ont distribués à tout le monde. "On a observé neuf minutes de silence, la neuvième pour Zineb Redouane, suivies d'un gospel, de chants kabyles, de textes d'enfants", égraine celui qui habite Marseille depuis près de trente ans.

En raison du contexte sanitaire, toutes les actions pensées pour rendre hommage aux victimes du drame de la Rue d'Aubagne n'ont pu être organisées comme prévu. C'est en ligne que le Collectif a poursuivi les commémorations.

"Payer des loyers exorbitants pour payer… la mort."

La semaine d'hommages en ligne s'est terminée samedi 14 novembre par la projection d'une sélection de témoignages vidéos de la Tribune Ouverte Noailles et du documentaire Noailles transite. "Payer des loyers exorbitants pour payer… la mort enfait", résume froidement une femme.

Lors du débat de clôture, l'un des délogés confesse sa "première inquiétude" : "La peur de disparaitre médiatiquement, de se retrouver face aux institutions qui ne répondent à rien".

"Rien ne se passe"

La maman de Julien Lalonde, trentenaire victime de la rue d'Aubagne, prend la parole dans une lettre: "Voici mon fils, Julien, mort le 5 novembre sous les immeubles effondrés. (...) Rien ne se passe. Plus de 2 000 personnes sont délogées, et rien ne se passe. Ils décident quoi ? De s’en mettre plein les poches et d’oublier les gens d’en bas". La colère est vive face au sentiment qu'en deux ans, "rien ne s'est passé". Manu, membre du Collectif 5 novembre 2018 et de l'association locale Un centre ville pour tous, alerte sur le "gouffre entre l’urgence que vivent les gens au quotidien et l’administration". Et de reprendre cette triste formule entendue dans les témoignages diffusés : "La haine de la misère".

Lors du débat, l'un des réalisateurs exprime un espoir, une envie d'aller plus loin que le deuil porté par Marseille. "Le besoin de formuler autrement ce qui peut être une colère froide, donner des accents, des voix, des figures à ce qu'il s’est passé, pour que cette chose ne soit pas immatérielle, déshumanisée, et continuer à faire exister l’âme du quartier qui ne doit pas uniquement s’inscrire dans le deuil, mais que la réalité humaine et vécue du quartier puisse, d'une manière ou d’une autre, exister".

Un bouquet de fleurs pour rendre hommage aux victimes de la rue d'Aubagne - Julie  Malfoy
Les marseillais rendent hommage aux victimes de la rue d'Aubagne - Julie  Malfoy

Deux ans après, qu'est-ce qui a changé ?

Le premier changement est d’abord visuel. Réouverte depuis un mois, la rue d'Aubagne a repris un peu de sa vie. Ce n’est plus un couloir d’un mètre de large qui permet aux Marseillais de se déplacer. Pourtant, impossible de ne pas remarquer la différence avec les rues adjacentes. Côté pair, les barrières de chantier barrent la vue du trou. Côté impair, les commerces et immeubles sont toujours condamnés, fermés ou cadenassés.

"Une volonté judiciaire d'établir des responsabilités."

Deux ans après, quasiment jour pour jour, c'est la justice qui s'est rappelée au drame. Les mises en examen se sont multipliées en ce mois de novembre. Elles concernent pour l'heure Marseille Habitat, bailleur social d'un des deux immeubles, Julien Ruas, ex-adjoint chargé de la gestion des risques et le cabinet Liautard, le syndic de copropriété du 65. Une "avancée importante", confie Yves Doazan du Collectif. "Cela montre qu'il y a une volonté au niveau judiciaire d'établir des responsabilités, poursuit-il. On commence à attaquer l'environnement proche de l'ancien maire, ça sera sûrement pas les seules (mises en examen, ndlr). C'est vraiment une avancée importante, surtout pour les familles qui ont perdu des proches dans cet effondrement."

5 000 personnes délogées, 500 encore à l'hôtel

Le militant ne mâche pas ses mots quand on lui demande de dresser le bilan de ce qui a changé sur le terrain, deux ans après. Il décrit une situation "extrêmement grave" : "40 000 logements indignes à Marseille, 5 000 personnes délogées, 500 personnes toujours à l'hôtel, 1 500 en logement provisoire, 2 500 signalements non traités…". Il s'excuse même de nous assommer de tant de chiffres, mais il tient à les énoncer pour traduire l'urgence de la situation. "La situation est dramatique à Marseille. On n'imagine pas le nombre de gens qui sont dans la rue. On n'arrive même pas à les comptabiliser, il n'y a aucune ville comme ça. Il y a vraiment un énorme travail à engager et je suis pas sûr que la métropole actuellement ne soit pas dans un autre chose que l'autosatisfaction."

Des avancées timides

Yves Doazan reconnaît toutefois certaines avancées arrachées "sous la pression populaire". La Charte du Relogement, par exemple, portée par le Collectif, signée par l'État et la mairie, "mais pas la métropole". Pourquoi ? Le sexagénaire perçoit une absence de volonté : "On retrouve la Métropole dans la même position que l'ancienne municipalité, c'est-à-dire : ne pas être en relation avec les habitants." Il pointe le communiqué de presse publié le 5 novembre 2020 par la Métropole : "On est en train de travailler dessus pour reprendre point par point ce qui est énoncé par la collectivité, car tout cela reste beaucoup de vent."

Au mois de juillet, le Printemps marseillais de Michèle Rubirola, de gauche, l'a emporté contre Martine Vassal, à droite, à la Mairie. Pour le porte-parole du Collectif, ce changement se traduit par "plus d'écoute et des choses qui vont dans le bon sens." Preuve symbolique, mais non moins importante, la reconnaissance officielle par la Mairie que la Place Homère soit officiellement rebaptisée Place du 5 novembre 2018. "Une reconnaissance symbolique et forte", souligne Yves Doazan.

Il se dit "plutôt satisfait d'un certain nombre d'annonces". Il pense notamment à la réalisation de travaux d'office lorsque les propriétaires sont défaillants, à la mairie qui a convoqué la réunion du comité de suivi de la charte du Relogement. "Mais ce comité ne s'est pas réuni depuis janvier 2020", déplore-t-il. Il y a aussi la création d'une convention permanente pour le logement avec la volonté d'associer le Collectif ou encore la promesse de 30 000 logements en six ans, "un bel objectif mais qui se construit dès aujourd'hui", pointe-t-il.

Rapport de force

En revanche, le Collectif ne cache pas sa colère face aux conditions de réintégration de certains logements. Des travaux qui seraient fait à la va-vite, pas nettoyés et le manque d'information auprès des citoyens. "Les logements peuvent rester insalubres parce qu'entre être dans une situation de péril et être dans une situation d'insalubrité, c'est deux situations distinctes. Donc les gens peuvent être amenés à ré-intégrer des logements insalubres."

Face à cette situation, nous avons voulu interroger Mairie et Métropole sur le bilan de l'action deux ans après. Nous n'avons réussi ni à nous entretenir avec le nouvel adjoint au Logement Patrick Amico, ni avec son homologue à la Métropole, Frédéric Guiniéri. Pour celui-ci, aussi maire "sans étiquette" de Puyloubier, quatre étapes de validation de notre demande d'entretien étaient nécessaire. Le sujet est "sensible", nous dit-on au service presse. "C'est une situation qui reste complexe dans un contexte où, même si les Marseillais ont exprimé une volonté de changement en élisant une nouvelle mairie, avec la Métropole qui a une part des prérogatives concernant le logement social ou la lutte contre l'habitat indigne, vous imaginez que le rapport de force est complexe".

"Complexe", c'est le mot qui a été choisi par la Maire de Marseille pour évoquer la question du logement, lors du vernissage de l’exposition "Indigne Toit" mercredi 28 octobre. Et d'assurer que si "en quatre mois, on n'efface pas 25 années d'inaction, on se met en ordre de bataille." Les citoyens, eux, sont prêts. Et ils n'attendent que ça.

Rue d'Aubagne

La rue d'Aubagne - Julie Malfoy

La rue d'Aubagne - Julie Malfoy

Le conseil municipal de Marseille a voté à l'unanimité pour la reconnaissance officielle de la Place du 5 novembre 2018 - Julie Malfoy

Le conseil municipal de Marseille a voté à l'unanimité pour la reconnaissance officielle de la Place du 5 novembre 2018 - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Seules les proches des défunts sont autorisés à passer les barrières de chantier, rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame- Julie Malfoy

Seules les proches des défunts sont autorisés à passer les barrières de chantier, rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame- Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame - Julie Malfoy

Seules les proches des défunts sont autorisés à passer les barrières de chantier, rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame- Julie Malfoy

Seules les proches des défunts sont autorisés à passer les barrières de chantier, rue d'Aubagne, le 5 novembre 2020, jour des commémorations du drame- Julie Malfoy

"J’étais morte vivante"

Naïma

Date écrite sur le sol de la place Homère, 5 novembre 2020, Julie Malfoy

Date écrite sur le sol de la place Homère, 5 novembre 2020, Julie Malfoy

Parmi les 5 000 personnes évacuées, il y a Naïma*. Mère de trois enfants, elle, comme 400 à 500 personnes dans sa situation, vit encore à l'hôtel, et ce depuis presque dix mois. Elle souhaite rester anonyme et se défend : "Moi je m’en fous, je ne suis pas en train de voler, c’est pour les enfants." D’habitude silencieuse, elle éclate : "À force de souffrir, j'ai envie de dire la vérité. Je ne souhaite à personne de vivre ça." Délogée le 4 février 2020, elle déplore depuis "une véritable galère" qui dure, et ne semble jamais se résorber.

"On est restés presque un an oubliés à l’hôtel, avec trois enfants, confinés. "
Naïma

Depuis dix mois, la famille vit séparée. Dans une chambre, la mère et les deux filles. Dans une autre, le père et le fils. Naïma fatigue : "Ils ont dit qu’on allait rester là deux jours, le temps qu’ils trouvent un appartement provisoire. Mais en fait, on est restés sept mois dans le premier hôtel." Pendant sept mois, c’est sans cuisine que la famille tente de faire quelques repas communs. Puis le pays se confine. "Avec le confinement, le moral était à zéro". Aujourd’hui encore, avec le reconfinement, elle peint une vie de famille discontinue : "Mon mari vient avec mon fils pour le repas. On n’est pas au même endroit, on fait tout le chemin pour aller manger ensemble une fois par semaine. Je vis avec le stress. Je suis allée voir un psychologue parce que je stresse tout le temps."

Naïma tait le ressenti de ses filles de 16 et 18 ans, mais s’émeut des conséquences de cette situation sur son fils de 12 ans. Son professeur a avertit d'un "décrochage" dans son carnet de liaison. Elle a pris rendez vous avec l’assistante sociale du collège, pour "tout lui raconter". Lui expliquer qu’"en ce moment, il n’est pas bien, ne trouve pas sa place, il n’arrive pas à supporter la situation". Naïma résume : "Ils ne comprennent pas."

"On va y retourner, on n'a pas le choix."

Le 20 novembre 2020, elle a reçu un e-mail du propriétaire lui indiquant le retour du deuxième et troisième étages de l’immeuble. La mairie doit maintenant constater la réhabilitation de l'immeuble pour la main levée du péril. Naïma appelle chaque jour, sans réponse.

Elle avoue ne pas vouloir y retourner, dans ce logement quitté dix mois plus tôt, rue des Trois Mages. Cela faisait "des années" qu'il y avait des problèmes dans l'immeuble : "odeurs d'urine, infiltrations d'eau, trous et fissures partout". Un jour, une voisine a appelé l'agence "parce que des gouttes tombaient. À force que l'eau sorte, le mur était vraiment mouillé : quand on touchait, on touchait de l'eau." Le propriétaire, à ses mots, "faisait du bricolage lorsqu'il fallait faire des travaux."

"Ça devenait compliqué de travailler dans nos chambres d’hôtel"
Léa

Léa*, 25 ans, est elle aussi passée par une chambre d'hôtel. Elle vivait à quelques pas de la rue d’Aubagne, sur le Cours Julien. C’est une voisine qui, en voyant une pierre tombée d’une fenêtre, a contacté les pompiers. Eux ont appelé la sécurité civile. “Ils ont découvert que les caves de l’immeuble étaient complètement pourries” et dans l’après-midi, l’immeuble était vidé de ses occupants. D’abord logés à l’hôtel, les locaires ont réussi à s’arranger avec le propriétaire : “Ça devenait ultra compliqué de travailler dans nos chambres d’hôtel, on ne pouvait pas cuisiner. On savait que la situation allait durer, louer des studios lui coûterait moins cher que de payer pour les chambres. Les studios n’étaient pas beaucoup mieux, mais au moins on pouvait faire à manger."

Deux ans après les expulsions, Léa a récemment trouvé un nouveau logement. Une grande colocation, trouvée par ses propres moyens, avec "vue sur le trou de la rue d'Aubagne".

"Vue sur le trou de la rue d'Aubagne"

"Quand on a été évacué, je suis allée squatter chez des potes qui m’ont hébergée dans un placard rue d’Aubagne. Mais c’était drôle, parce qu’une semaine avant, elles avaient peur que leur salle de bain ne s’effondre. Elles avaient une énorme baignoire, il n'y avait déjà pas de joints quand elles étaient arrivées, le mur de la baignoire était complètement moisi. Quand tu sautais, tu sentais que le sol bougeait. Donc elles ne prenaient plus de douche, n’utilisaient plus la salle de bain, elles venaient se doucher chez nous. Une semaine plus tard, c’est nous qui avons été évacués. Et c’est moi qui suis allée vivre chez elles pendant un an."

Vue de l'appartement de Léa* sur le "trou de la rue d'Aubagne", 14 novembre 2020, Julie Malfoy

Vue de l'appartement de Léa* sur le "trou de la rue d'Aubagne", 14 novembre 2020, Julie Malfoy

Chacun, à Marseille, connait quelqu’un qui a été délogé, de manière plus ou moins claire. Les exemples sont légion. Léa mentionne un ami, qui a vu les corps des victimes sortir, et à qui les pompiers ont préconisé de ne pas retourner dans son immeuble. Sans avis d’expulsion, il a dû se confronter à sa propriétaire qui demandait toujours le loyer. Elle se souvient de ces parents qui, face à la grosseur des lots du Noël des enfants délogés, sont allés demander aux bénévoles de “cacher les gros jouets”, car “il n’y avait pas assez de place dans la chambre d’hôtel”.

Avec Le Molotov en ce moment même, nous accueillons les enfants de la rue d'Aubagne pour un goûter de Noël. ✊🏾❤

Publiée par Collectif du 5 novembre : Noailles en colère sur Dimanche 16 décembre 2018

Puis elle raconte avec émotion ce “petit vieux au dernier étage”, qui, après 40 ans de vie dans l’immeuble s’est retrouvé “perdu, déstabilisé” dans la rue. Cet ancien qui s’est “laissé mourir pendant des mois”, pour finalement passer “quatre ou cinq mois à l’hôpital”.

Il y a enfin cette amie, ancienne locataire de l'appartement, qui a déménagé depuis. Cette vue, ce trou, pour elle, "c'était l'absence" :

“Les gens qui vivent juste en dessous vont pouvoir revenir. Après deux ans. À la base, c’était des jardins, maintenant c’est à l’abandon. Pour l’instant, c’est juste le territoire des rats géants.”

Léa

Vue de l'appartement de Léa* sur le "trou de la rue d'Aubagne", 14 novembre 2020, Julie Malfoy

Vue de l'appartement de Léa* sur le "trou de la rue d'Aubagne", 14 novembre 2020, Julie Malfoy

Ainsi s'accumulent ces bouts d'histoire de vie, témoignages d'une situation complexe qui se répare petit à petit. Yves Doazan le rappelle : la lutte contre l'habitat indigne reste "au cœur de l'action" du Collectif, et "au centre de toute la préoccupation des délogés". La tâche est immense, à court comme à long terme, mais le jeu de cartes politique a été redistribué, la force citoyenne, qui a su faire pression pour bouger les lignes, reste mobilisée. L'espoir est permis. Le militant prévient : "On va de toute façon continuer de surveiller de très près".