Queer en terre sainte
Fabio, Filipe, Anna, ils et elles vivent au quotidien l’héritage de la tradition catholique portugaise. Depuis quelques années, ces personnes LGBTQIA+ ressentent une forme de libération à Porto.
“Nous sommes au début d’une nouvelle étape”. Dans la mairie de Bonfim, un quartier à l’est de Porto, João Aguiar, le maire de la circonscription, organise une cérémonie pour la journée internationale de lutte contre les LGBTphobies. Sur le fronton, deux drapeaux - l’un pour la lutte LGBT et l’autre pour la représentation de la transidentité - flottent. Hissés par des activistes éminents de la communauté LGBTQIA+ de Porto, ils témoignent d’un pas en avant assumé par la mairie de Bonfim pour la “liberté” et les “droits humains”.
Alors même si la cérémonie est saluée par l’opposition et se veut transpartisane, l’absence d’actions de long terme en faveur de la communauté LGBTQIA+ est critiquée. “La mairie de Porto prétend être ouverte mais il n’y a rien de fait pour nos droits” lance Filipe Gaspar, membre du Bloco de Esquerda et un des organisateur·ices de la marche des fiertés à Porto. Une position rejointe par João Paulo, activiste LGBTQIA+ depuis 1995 et à l’origine de la première marche des fiertés en 2006 : “Si les politiques organisent ce type de cérémonie, c’est qu’ils attendent quelque chose en retour, de la sympathie ou des voix”. Les associations locales demandent notamment la création d’un centre LGBT+. Une proposition restée sans réponse.
Cette cérémonie est organisée pour la deuxième année consécutive. Lors de la première édition, le maire de Bonfim, João Aguiar, reçoit plusieurs commentaires et messages haineux. Les habitant·es dénoncent “de promouvoir les LGBT”, de “ne pas se soucier de problèmes plus importants” et qualifient son action d’“honteuse”. Selon lui, cet événement sert justement à “faire évoluer les mentalités”. Au Portugal, plus de 80 % de la population est catholique. Ce conservatisme religieux influence les sphères sociales portugaises et freinent l’évolution et l’acceptation des droits des personnes LGBTQIA+.
Entre queerness et religion,
comment trouver sa place ?
Au fil de nos déambulations dans les rues portuanes, nous avons rencontré la communauté queer*. Ils et elles ont grandi à travers la religion catholique. Messes, catéchisme ou encore fêtes religieuses, leur quotidien a été rythmé par la foi. Certain·es ont décidé de se retirer, d’autres tentent de concilier ces deux identités. Pour Queer en terre sainte, cinq jeunes ont accepté de nous confier leur histoire.
* queer : mot pour décrire les identités sexuelles et de genre autres que celles des hétérosexuels et des cisgenres (qui se reconnait dans son genre affilié à la naissance). Queer inclut, notamment, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et non-binaires.
Nino, se rassembler pour mieux régner
Derrière le comptoir du Bar of Soap, Nino accueille les habitué·es. Il est serveur depuis un an et il en est fier. Au fil des discussions, il s’attache à faire de ce lieu, un endroit sûr pour la communauté queer. Catéchisme, confirmation, scout, son éducation religieuse ne l’a pas empêché de faire son coming-out.
Filipe, s'échapper de la ruralité pour trouver sa communauté
Filipe n’habite pas à Porto. Pourtant, il y vient très souvent. Dans son village, le conservatisme religieux gagne les rapports sociaux. Les hommes gay se comptent sur les doigts de la main et, forcément, l’homosexualité n’est pas vu d’un très bon oeil. Dès qu'il retrouve la communauté LGBTQIA+, la solitude s'éclipse.
Fabio, s’enfuir pour vivre sa transidentité
Fabio nous accueille dans son appartement lumineux à deux pas du Bar of Soap. Il le partage avec Anna, sa cousine. Originaire de Madère, il est arrivé il y a deux ans. Là-bas, bien que sa mère et sa sœur acceptent sa transidentité, il fait face aux pensées conservatrices de son village. L’héritage catholique pèse sur l’affirmation de son identité. Ici, il est ce qu’il désire être.
Anna, rentrer au Portugal pour s'épanouir
Anna vit à la croisée de deux pays : le Portugal, d’où sa famille est originaire, et la Grande-Bretagne. Elle en tire deux façons d’aborder la religion. Pour autant, elle fait son coming-out lesbien. Non sans difficulté.
Gonçalo, trouver sa place pour avancer
Entre la communauté catholique et la communauté queer, Gonçalo n’a pas fait de choix. Et il ne souhaite pas en faire. Issu d’une famille pratiquante, il continue d’avoir la foi, persuadé que ses deux identités peuvent cohabiter.