Pourquoi le manque de bars gays à Bordeaux est-il signe d'inclusion ?

Bordeaux, 1 600 bars, quatre bars gays. Cela semble peu pour une communauté très active. Alors que la marche des fiertés a rassemblé 5 000 personnes en 2019, cette année, ils étaient plus de 12 000. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'absence de bars gays est vue d'un œil positif par la communauté. Un signe d’inclusion dans l’espace bordelais.

multicolored flag

Photo by daniel james on Unsplash

Photo by daniel james on Unsplash

Rue Duffour Dubergier, un bar aux néons roses et bleus se distingue dans cette avenue plutôt calme du centre de Bordeaux. Il est 20h30 et Miley Cyrus résonne déjà à hauts décibels. Cinq personnes sont accoudées au bar et tentent de discuter. La salle commence à se remplir. La nuit s’annonce longue pour les huit ans du Coco Loko, lieu emblématique de la communauté homosexuelle bordelaise. Il fait partie des quatre bars gays de la ville avec le Buster, ou encore l’Ultra Klub. 

Cheveux rasés sur le côté, chemise à fleurs, shaker en mains.  Allan, co-gérant du Coco Loko, est présent pour la soirée. “La tendance d’ouvrir des bars gays se perd” , affirme-t-il. Les gens viennent moins. Au détour d'un cocktail, il affirme que plusieurs bars ont fermé, notamment après la pandémie de COVID-19, faute de moyens. Aucun nouveau bar gay ne s'est implanté depuis. Mais cette absence n’est pas forcément négative.  Il y a une volonté de mixité assumée, « tout le monde se mélange et c’est plutôt positif »

Allan et sa collègue le soir des huit ans du Coco Loko

Allan et sa collègue le soir des huit ans du Coco Loko

Le coco Loko le 8 juin pendant la Pride. (© FB: un air de Bordeaux)

Le coco Loko le 8 juin pendant la Pride. (© FB: un air de Bordeaux)

C’est plus la mode” constate Allan. Dans les années 1990, la culture gay se développait en France sous l’influence des mouvements gays aux États-Unis et de la dépénalisation de l’homosexualité en 1981. À Bordeaux, cela s’est manifesté par l’ouverture de plusieurs bars exclusivement gays sous fond de musique techno de l’époque. La première (gay) Pride a vu le jour en 2000. Les lieux étaient plus nombreux qu’aujourd’hui car il y avait un besoin de se cacher mais aussi de se retrouver ensemble. Ce désir est toujours partagé lors d'évènements comme la Pride qui permettent aussi de réaffirmer leurs droits.

L’homosexualité n’était pas aussi tolérée dans l’espace public qu’aujourd’hui : “ce besoin d’avoir des lieux pour se réunir n’est plus nécessaire" confirme Allan.

Cigarette aux lèvres et cocktail à la main, Marcos, un client habituel du Coco Loko se confie : "Je vais dans tous les bars car tout le monde est accepté partout, c’est pareil pour moi” exprime-t-il d’un ton nonchalant. 

L’apparition des bars LGBT friendly

Beaucoup de bars s’affichent désormais comme LGBT friendly. Le maître mot : se sentir libre, faire tomber les barrières. La communauté s'agrandit avec l’apparition de plusieurs autres lettres, manifestant l’inclusion d’autres genres et sexualités. Aujourd’hui, on parle de la communauté LGBTQIA+ ou queer, terme qui englobe toutes les personnes de cette communauté. En clair, toutes celles qui ne se considèrent ni hétérosexuelles, ni cisgenre.

Il n’y a pas de bars étiquetés comme queer à Bordeaux. À l’entrée du Titi Twister, un drapeau aux couleurs de l’arc en ciel donne pourtant le ton. Près de la place de la Victoire, le bar à la devanture rouge est un lieu connu pour être « LGBT friendly » témoigne son gérant, Nicki. Tout le monde semble le bienvenu. Pour autant, il refuse l’étiquette de bar queer : “pour s'afficher comme un bar LGBT il faut pouvoir assurer derrière, faire de la prévention et tout. Soit tu le fais bien, soit tu le fais pas”, explique Nicki. “Moi j’ai pas le temps mais je pense que la plupart des bars le font surtout pour la com’. Ici c’est un bar où tout le monde peut venir, il y a des drapeaux LGBT à l’entrée, si ça te dérange, tu dégages”. 

Un mardi soir au Titi Twister, des personnes discutent devant ce bar de la rue Leyteire

Un mardi soir au Titi Twister, des personnes discutent devant ce bar de la rue Leyteire

Vitrine de l'association le Girofard dans le centre ville de Bordeaux

Vitrine de l'association le Girofard dans le centre ville de Bordeaux

Un désir de banalisation

Ces personnes désirent une banalisation de leur sexualité et de leur genre. “Il y a beaucoup de bars lesbiens ou gays qui n’ont pas besoin de se montrer comme tels”, souligne Morgane, co-directrice du Girofard. Cette association LGBTQIA+ chapeaute une quarantaine d’autres organismes bordelais et s’occupe notamment de l’organisation de la marche des fiertés. Pour Morgane, des zones queer existent. La place Saint Michel en est une, la place de la Victoire en est une autre. La communauté s’est appropriée des lieux “safe” et inclusifs grâce à un système de “bouches à oreilles qui fonctionnent bien” comme au Grizzly, un endroit festif et coloré, toujours bondé le samedi soir.

Rainbow washing

Comme toutes les tendances, s’afficher comme LGBT friendly devient un outil de communication. Morgane parle de “rainbow washing”. À l’image du green-washing, l’idée est de s’approprier une cause pour en tirer un bénéfice commercial. La logique est de capitaliser sur les symboles LGBT. Pour attirer une clientèle, certains bars n’hésitent pas à afficher “ouvert à tous y compris aux personnes LGBT”. C’est comme vegan, ça fait toujours bien” résume Allan en riant. 

"Le terme 'LGBT' c'est comme 'vegan', ça fait toujours bien"
Allan, co-gérant du Coco Loko