La Rentrée solidaire d'Emmaüs : histoire d'un cafouillage

À 20 kilomètres de Bordeaux, la communauté Emmaüs Parempuyre, forte de son nouveau dispositif, La Rentrée solidaire, propose du mobilier et de la vaisselle à moitié prix pour les étudiants. Ce programme s’étend jusqu’au 31 octobre, mais rencontre certaines difficultés sur la communication. 

Dans un hangar perdu au milieu d’une forêt de pins, la lumière du soleil peine à traverser les taules jaunies. L’odeur des vieux livres embaume l’endroit. Les meubles poussiéreux s’entassent, autour des va-et-vient incessants de la clientèle. À l’extérieur, les étroites allées mènent à des stands tous aussi différents les uns que les autres. Certains vendeurs s’assoupissent sur leur chaise, d’autres s’activent, impatients de conclure la vente d’un article. 

Casquette vissée sur la tête et barbe saillante, Nasser, directeur adjoint d’Emmaüs Parempuyre, veille à la bonne organisation de ce complexe aussi vaste que deux terrains de football. Il se faufile entre les stands, discute avec les compagnons, accueille et conseille les clients, toujours accompagné d’Ilona Abdoyan, la responsable des bénévoles. Après plusieurs années à travailler au sein de la communauté Emmaüs Parempuyre, Nasser a vu sa clientèle changer : « Depuis le Covid, elle s’est considérablement rajeunie ».

Un constat qui l’alarme, surtout depuis la crise sanitaire. Lorsque Emmaüs France a proposé de lancer un dispositif permettant aux étudiants d’acheter des fournitures à moitié prix, il n’a pas hésité. « On connaît la difficulté de se loger à Bordeaux. Quand j’ai vu l’initiative d'Emmaüs France d’aider les étudiants avec La Rentrée solidaire, j’ai décidé d’y participer ».

Au delà du mobilier et de la vaisselle, tous les produits sont à moitié prix. © Pierre Bourgès

À Emmaüs Parempuyre,  « absolument tout est à moins cinquante pour cent, même les livres, les vêtements et la livraison » renchérit un bénévole. Au passage en caisse, la présentation de la carte étudiante suffit pour bénéficier de l’avantage. 

Alors les jeunes chinent, se promènent, achètent des livres, un jean ou un fauteuil en osier. Mais l’écrasante majorité de ceux rencontrés n’ont pas connaissance du dispositif. « Je viens souvent ici mais je ne connaissais pas cet avantage » résume Léana, lycéenne à Bordeaux.

"Ma fille dévore les livres, alors moins cinquante sur la note finale, c'est bon à savoir" confie le père d'une étudiante. © Pierre Bourgès

"Ma fille dévore les livres, alors moins cinquante sur la note finale, c'est bon à savoir" confie le père d'une étudiante. © Pierre Bourgès

« On a Facebook depuis seulement deux ans, on sait que l’on est mauvais en termes de communication » avoue le directeur adjoint. L’unique publication au sujet de La Rentrée solidaire sur le réseau social date de plus de deux mois. Un problème que Nasser ne veut pas cacher : « Nous n’avons pas d’attaché de presse, personne ne gère la communication chez nous. Cela coûte de l’argent, chose plutôt rare à Emmaüs ». À Parempuyre, une seule affiche A4 à l’entrée du hangar indique la présence du dispositif. Dans les allées, sur les murs ou les articles, rien d’autre ne témoigne de l’existence de La Rentrée solidaire. 

Pourtant, Emmaüs Parempuyre dispose d’un partenaire dans ce projet. Une association nationale étudiante qui a sa propre antenne locale à Bordeaux : Atena. Son rôle est de populariser le dispositif dans les campus universitaires et d’informer les étudiants au sujet de La Rentrée solidaire.

« On n'identifie pas ce partenariat comme un besoin »
Lisa Martinez, présidente d'Atena

Emmaüs n’a pas encore bénéficié de cette aide précieuse. Elle n’a pas été contactée par Atena qui « n’identifie pas ce partenariat comme un besoin » selon sa présidente, Lisa Martinez. La Rentrée solidaire se positionne en effet sur un secteur où les associations étudiantes bordelaises, bien plus proches des jeunes, proposent déjà une aide complète et populaire.

A Emmaüs Parempuyre, Nasser, regrette ne pas avoir touché autant d'étudiants qu’espéré « mais on reste optimiste », assure-t-il. Quant à savoir si cette initiative reverra le jour, le directeur adjoint n’hésite pas : « S’il faut le faire, on le refera. »