A Foz, une librairie fait le lien franco-portugais
Dans le quartier de Foz do Douro, près de l’océan, la communauté française de Porto a ses habitudes dans une librairie. Loin d’incarner un entre-soi, ce lieu aux accents franco-portugais symbolise, outre la présence française à Porto, la force des échanges culturels entre les deux pays.
Rua de Bartolomeu Velho. Quartier de Foz do Douro. Dans les rayons de Ma petite librairie, l’unique librairie franco-portugaise de la ville, une cliente francophone achète quelques livres pour ses deux garçons. A quelques pas du lycée international français, le lieu est bien connu de la communauté française de Porto. La propriétaire, Ana Maria, est elle-même une Franco-portugaise qui a quitté Paris il y a cinq ans.
La libraire ne manque pas de rappeler l’amitié ancienne qui lie les deux pays. « C’est une immense richesse que d’avoir cette double culture » affirme-t-elle. Les musées parisiens lui manquent parfois, mais elle n’a surtout pas oublié pourquoi elle a rejoint le pays de ses parents, originaires du centre du Portugal. « On est venus ici pour la qualité de vie, la douceur de vivre, notamment pour notre enfant. Porto est un véritable coup de cœur. C’est une ville à taille humaine. » Son projet de librairie indépendante jeunesse, lui, est plus récent - il a moins de deux ans.
Comme elle, beaucoup de Françaises et Français apprécient la Cidade Invicta. Selon le SEF portugais (service des étrangers et des frontières), on en compterait environ 700 installés dans la ville, faisant de la communauté française l’une des principales communauté étrangère de la ville. « Depuis cinq ans, le nombre de Français à Porto a explosé » explique Ana Maria. La libraire est bien informée, puisqu’elle est très proche de l’association Vivre à Porto, qui regroupe les Françaises et Français de Porto. Initiée en 2009, celle-ci fait partie de la Fédération Internationale des Accueils Français et francophones à l’Etranger, et organise régulièrement des évènements et rencontres.
Au niveau culturel, la librairie jeunesse d’Ana Maria est devenue un lieu de rencontre pour cette communauté, celle-là même qui a servi de base au lancement de son activité, un an et demi auparavant. Des dédicaces d’autrices et auteurs franco-portugais·es ont par exemple régulièrement lieu dans Ma petite librairie, comme le 10 mai dernier avec le Montpelliérain et désormais Lisboète Benjamin Audoye, ou encore ce samedi 13 mai avec Deolinda Da Silva. Devant elle, outre ses ouvrages, quelques pâtisseries attirent le regard des enfants. Et, sans grande surprise, elles sont issues d’une pâtisserie tenue par une Franco-portugaise.
Sans aucun doute, cet endroit est un point de rencontre des francophones, d’autant plus qu’il est situé à proximité du lycée français international. Mais cela ne signifie pas, au contraire, que la communauté française se réfugie derrière les murs de cette librairie. « Le lycée français est une école prestigieuse, mais même les Portugais y mettent leurs enfants » rappelle Ana Maria. Voilà qui explique en partie pourquoi sa clientèle n’est de loin pas que francophone. Elle ajoute qu’il y a une vraie demande portugaise pour des traductions d’œuvres françaises, tant la littérature jeunesse française est riche. « Dès qu’on a une édition en français, les parents portugais demandent quand la version portugaise va sortir ». Une demande évidemment boostée par le pouvoir d’achat plutôt important dans cette zone, même en temps d’inflation : le quatier de Foz do Douro est l’un des plus aisés de Porto, est Ana Maria reconnaît qu’elle le ressent.
En attendant, il existe un décalage entre la demande et l’état de l’offre. Sur la collection des mangas One Piece par exemple, les traductions portugaises n’en sont qu’au 6e tome, contre 105 en France. Une situation qui s’explique peut-être par la fin tardive de la dictature de Salazar, dans les années 1970. A l’époque, l’économie du livre ne pouvait se développer librement, soumise à une forte censure, qui s'est beaucoup renforcée dans les années 50 notamment. « Ici, au Portugal, le développement du livre est au final plus frais qu’ailleurs » estime la propriétaire. Une fraîcheur qui favorise donc un peu plus les échanges culturels franco-portugais et l'ouverture au sein de cette petite librairie indépendante.