Face au stress du quotidien, les étudiants bordelais se mettent au yoga
Depuis la rentrée, la résidence universitaire de Budos (Bordeaux) propose chaque mercredi des séances de yoga. Une façon de décompresser physiquement et mentalement, qui trouve un écho de plus en plus fort chez les étudiants.

« Observez votre énergie du moment. Profonde inspiration par le nez, profonde expiration par la bouche ». C’est par ces mots qu’Harmonie lance une nouvelle séance de yoga Vinyasa, en cette soirée du 11 octobre. Depuis le 18 septembre, ces cours sont proposés gratuitement et quatre fois par semaine dans différents lieux de vie étudiants de Bordeaux Métropole. Parmi eux, la résidence universitaire Crous de Budos (Bordeaux).
Du haut de ses 25 ans, Harmonie Fossier enseigne le yoga depuis un peu plus d’un an. Début 2023, elle a été contactée par le Crous de Bordeaux pour organiser des ateliers de yoga mensuels expérimentaux entre mai et août. L'objectif: évaluer l'intérêt des étudiants pour cette pratique, alors même que leur santé mentale fait l'objet de préoccupations croissantes. Selon l'étude Prisme, portée par l'université de Bordeaux, la part d'étudiants disant ne pas aller bien et avoir des idées noires est passée de 25% à 40% après la pandémie de Covid-19.
Face au succès rencontré par le dispositif , les séances de yoga ont été proposées officiellement à la rentrée à un rythme hebdomadaire. Une initiative bienvenue, en témoigne le nombre d'inscriptions : à ce jour, une centaine d'étudiants sont en liste d'attente.
Harmonie trouve volontiers dans ces ateliers un rôle de prévention auprès des jeunes étudiant.e.s. Il s’agit pour elle de les orienter vers une vie étudiante plus saine, et les aider à prendre du temps pour eux hors des cours. Un équilibre qui lui a manqué, à l’époque où elle poursuivait elle-même un master de science politique. « J’ai fait passer mes études avant ma santé physique et mentale, regrette-t-elle. Avant chaque partiel je vomissais, je faisais des insomnies ».
Durant cette période difficile, le yoga a été pour elle une révélation. « C'est plus qu’une pratique sportive, parce que ça permet de reprendre conscience de soi. Tu peux lâcher prise, réduire ton stress ». Pendant son master, Harmonie n’avait pas d’idée précise de carrière. Elle envisageait seulement de devenir professeure. « Et là, je peux enseigner pour faire du bien aux autres ».

Harmonie présente à ses élèves la "posture de l'arbre".
Harmonie présente à ses élèves la "posture de l'arbre".
Le yoga Vinyasa, ou se relaxer en bougeant
Un sport tranquille, le yoga ? En tout cas, pas le yoga Vinyasa. Rapide et dynamique, il est opposé au yoga yin, plus connu, où l'on peut rester jusqu’à cinq minutes dans la même position. Alors que nous proposons à la classe de répondre à nos questions tout en faisant leurs mouvements, Harmonie rit : « On n’aura pas le temps de te répondre, on va être en transpi’ ! ». Et en effet, après quelques exercices de détente et d’étirement, les choses sérieuses commencent. Le bras tendu, la main sur son tapis, Harmonie fait pivoter son torse pour faire face au mur, en appui sur un seul pied : les élèves vont devoir réaliser une planche sur le côté. « Pressez dans le sol pour lever le bassin vers le ciel ! ».
Il est important de bien guider les élèves, car le yoga n’est pas exempt de blessures. L’épaule et les poignets sont les victimes les plus fréquentes des postures douloureuses, un bon échauffement est donc primordial. Il est également essentiel pour Harmonie que les élèves s’écoutent : la pratique doit être adaptée pour chacun d'eux.
Au début de la séance, la concentration est de mise. Seuls la musique et les grincements du parquet sous les efforts des élèves résonnent dans la salle. Mais ils sont vite remplacés par les bruits de chutes et les rires, à mesure que la difficulté et le rythme augmentent. Les mouvements se multiplient. Les bras étirés vers le ciel. Le corps replié comme une pince. Puis une planche. Une demi-pompe. On saute vers l’avant du tapis, et on recommence.
Après ces enchaînements, les élèves reprennent leur souffle, dans le noir : il est 20h et la nuit est tombée. On se relâche quelques instants avant de passer à la "posture de l’arbre", le défi final. Un retour au sol définitif amène la classe, sur fond de musique douce, à effectuer un massage des lombaires puis à se replier en position fœtale. On arrive enfin à la Shavassana, la "posture du cadavre", qui appelle au lâcher prise. « C'est pour mettre toutes les vertus de la pratique dans le corps, et juste prendre ce moment pour respirer ».

Un massage en fin de séance aide les participant.e.s à se relaxer.
Un massage en fin de séance aide les participant.e.s à se relaxer.
« [Le yoga] n'est pas une mode, c'est vraiment une médecine »
Sauter le pas malgré les clichés
Bien qu’il attire en nombre, le yoga garde ses détracteurs. De nombreux préjugés entourent encore la pratique. Beaucoup rechignent à se lancer dans ce sport, qu’ils pensent réservé à une certaine catégorie de personnes. « Je connais plein de personnes qui me disent “Ah non, je ne suis pas assez souple pour le yoga”, alors que c'est justement en pratiquant qu’on devient souple ! », insiste Harmonie. « Il y a aussi cette idée que seules les personnes minces sont aptes à faire du yoga ».
Le yoga est également boudé pour l’image qu’il renvoie : un sport « un peu bobo » que l’on commence à pratiquer la trentaine arrivée, parce qu’il est à la mode. « Tant mieux si c'est le cas, mais pour moi c'est pas une mode. C'est vraiment une médecine ».
Tous ces clichés n’ont pourtant pas dissuadé les élèves d’Harmonie. Nathalie, 20 ans, suit habituellement des cours de danse. Les séances de yoga dispensées à la résidence lui permettent de continuer à travailler certains aspects de sa pratique artistique. « Le yoga est aussi très bien pour la flexibilité ». L’étudiante s’exerçait déjà à la maison, comme Irene et Lisa, 23 et 19 ans. Elles ont ainsi pu constater les bienfaits du yoga sur leur santé physique et mentale. « Je voulais avoir une expérience vraiment encadrée, et être accompagnée dans une séance », nous explique Lisa.
« C'est énorme. C'est comme si tout s'en allait »

Pour les étudiant.e.s, le yoga est aussi un moyen de réduire leur charge mentale.
Pour les étudiant.e.s, le yoga est aussi un moyen de réduire leur charge mentale.
Se libérer de la pression universitaire
Carlos, étudiant-thésiste, a découvert le yoga cette année grâce aux cours d'Harmonie. Il est pourtant loin d’être étranger au monde du sport, lui qui a fait du taekwondo et du kung-fu par le passé. Contre toute attente, le yoga est celui auquel il s’est le plus identifié. « Ce qui me plaît, c’est que ça te met face à toi-même, pas contre les autres ». Carlos désirait depuis longtemps s’essayer au yoga, mais n’avait jusqu’ici pas trouvé ni temps ni opportunités pour le faire. Désireux d’approfondir sa pratique, le thésiste aimerait désormais y accorder un temps personnel dans sa semaine, en plus des séances en groupe. « Ça faisait longtemps que je ne faisais pas de sport, je ne fais que du vélo pour aller au travail. Donc c'est un bon moment pour faire quelque chose de mon corps »
Pour Carlos, cette séance était particulièrement attendue. « Aujourd’hui, c’était un jour spécial, car j’ai fini ma thèse », annonce-t-il avec soulagement. Arrivé l’esprit chargé par la pression accumulée au fil des mois, pour lui la différence entre le début et la fin de la séance est flagrante. « C'est énorme. C’est comme si tout s’en allait »
Face à la vague de demandes d’inscription, le pôle animation du Crous de Bordeaux-Aquitaine a décidé ce jeudi 26 octobre d'ouvrir quatre nouveaux créneaux, via l’élaboration d’un projet de Contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC).