Connecter les sans-abris : le pari de Solinum

Pouvoir prendre une douche, trouver une maraude ou se faire héberger en deux clics lorsqu'on est sans-abris devient possible en mars 2020 grâce à l’association Solinum. Pour sensibiliser les bordelais à leurs histoires, l'association a organisé une exposition au Marché des Douves. Rencontre avec Agathe Thomas, chargée de développement en Gironde.
Il est 17h30 quand Agathe Thomas rejoint l’exposition «cliché d’une hébergée» au Marché des Douves de Bordeaux. Les photos d'Emma et Isabelle*, deux anciennes sans-abris, affichées en arc de cercle contrastent avec les murs rouges de l’établissement.
D’après elle, «70% des personnes à la rue ont un accès au numérique bien qu’il y ait des failles». Leur but est d’utiliser le numérique pour coordonner les acteurs sociaux et les personnes précaires.

Agathe Thomas, heureuse d'avoir organisé l'exposition clichés d'une hébergée, pour mettre en avant le quotidien de femmes précaires.
Agathe Thomas, heureuse d'avoir organisé l'exposition clichés d'une hébergée, pour mettre en avant le quotidien de femmes précaires.
Six-cents associations connectées
Maison des femmes, Restos du cœur, Emmaüs connect et Médecins du monde ainsi que six-cents autres acteurs prennent part au jeu du Soliguide. Ce site internet disponible dans cinq départements, oriente des sans-abris comme Fabien, 42 ans, vers le Coffee bus 33 «grâce aux bornes près de la gare Saint-Jean, j’ai pu boire chaque jeudi une soupe et un café».
Le Soliguide comptabilise plus de 12 500 visites lors du confinement, un record depuis sa création à Bordeaux en 2017. La plateforme soulage les partenaires lors de la crise sanitaire : «des listes papiers avec une vingtaine d’associations existaient, mais lors du confinement il était impossible de les distribuer».
«Beaucoup de personnes souhaitent héberger chez eux»
Certains bordelais ont choisi d'héberger des femmes précaires avec Merci pour l’invit : «il faut qu’elles répondent à certains critères administratifs et psychologiques pour être inscrites». Comme les 39 autres femmes hébergées, Isabelle et Emma ont signé une convention avec leur hôte «ceux qui s’inscrivent en ligne ont besoin d’un cadre institutionnel : on protège les hébergées mais aussi les hébergeurs».

Isabelle a été hébergé plusieurs mois. Elle dispose enfin d'une chambre à elle.
Isabelle a été hébergé plusieurs mois. Elle dispose enfin d'une chambre à elle.
Dispositif temporaire, Merci pour l’invit offre à chacune d’elle un suivi personnalisé et en ligne. «Je peux reprendre mes démarches administratives, je suis posée. Ici, c’est calme je peux réfléchir et prévoir l’avenir» confie Isabelle.
La réinsertion reste le mot d’ordre de ce projet. Pas question de les remettre à la rue, Solinum s’engage à les aider pour trouver une situation stable dès la sortie du logement.
«C’est elles qu’il faut protéger et pas les mecs»
Victimes de violences physiques, verbales et sexuelles, les femmes sans-abris vivent dans la peur et l’insécurité. «On ne s’en rend pas compte parce qu’elles se cachent» explique Agathe. Devant les clichés exposés, Fabien reconnait «qu'il faut créer des endroits sûrs, uniquement pour les femmes à la rue». Pour elles, il est très difficile d’avoir accès à des besoins fondamentaux à Bordeaux.
À leur arrivée chez Solinum, elles reçoivent un kit de bienvenue réconfortant avec carte sim, smartphone, protections périodiques, savon. Une parenthèse de tranquillité dans leur vie afin qu’elles rebondissent et retrouvent confiance, «j’ai honte de me trouver là mais je suis contente et rassurée» raconte Emma.

«Le feu. Encore un peu de chaleur. La perspective d'un repas chaud... ça faisait longtemps»
«Le feu. Encore un peu de chaleur. La perspective d'un repas chaud... ça faisait longtemps»
Chez Solinum on ne fait pas dans la charité mais dans la solidarité. L’association n’a pas pour but de s’enrichir : «on essaie de développer des boîtes à outil pour les transmettre» explique Agathe. La jeune femme se félicite d'avoir transmis aux visiteurs la longue reconstruction d'Isabelle et Emma le temps d'une exposition.
*Les prénoms ont été modifiés.
*Les photos d'Isabelle et Emma sont tirées de l'exposition.
Crédits : Lionel Maingueneau.