Au cœur du Café Joyeux

Le Café Joyeux est un des premiers lieux de restauration de Bordeaux à embaucher presque exclusivement des personnes handicapées.

Il est 17 h. Comme chaque jeudi, Tatiana se prépare pour commencer son service. Atteinte de légers problèmes cognitifs, cette jeune femme de 22 ans ne travaillait pas jusqu’alors. Depuis maintenant un an, elle est employée au sein d’un café de la métropole bordelaise, le Café Joyeux.

Un café solidaire et inclusif

Titulaire d’un CAP Assistant technique en milieu familial et collectif, son souhait était de travailler dans la restauration. En cherchant sur internet, elle a trouvé des vidéos du café. Elle décide de croire en ses chances et candidate d’elle-même en 2019. Aujourd'hui, elle y est employée en CDI.

Tatiana ne travaille pas plus de quatre heures par jour, ce qui lui semble déjà un énorme pas vers l’indépendance et l’épanouissement. Le Café Joyeux pour elle : “un pur bonheur”.

La jeune femme sert en salle. Elle parle aux clients avec facilité et bonne humeur. L’ambiance est conviviale, la décoration soignée. Des photographies des employés ornent les murs. Le slogan du café "la différence fait la force" est imprimé à différents endroits.

Un travail rémunéré et diplômant

Au Café Joyeux, les horaires sont adaptés à la situation de chaque travailleur handicapé. Les “équipiers joyeux”, pour reprendre l'expression du café, ne dépassent jamais les quatre heures de travail par jour, entrecoupées d’une pause de trente minutes. Ils se relaient entre la cuisine, la salle et la caisse, du mardi au samedi, avec toujours la présence d’au moins un encadrant. Tous les équipiers touchent 900 euros par mois, somme qui correspond au montant de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH).

Le contrat au café est aussi diplômant. Tatiana et les autres employés en situation de handicap suivent une formation hebdomadaire à l'issue de laquelle ils recevront un Certificat de qualification professionnelle en restauration.

Ce café bordelais est le dernier-né de l'association Café Joyeux. Le premier a ouvert ses portes en 2017 à Rennes, puis trois autres à Paris, avant celui-ci en 2020. L'objectif : concilier une visée sociale, inclusive et la rentabilité, la qualité. 

Une ville à la page

Depuis l’arrivée de la nouvelle municipalité en juin 2020, nombreuses sont les actions qui ont été menées en faveur de cette catégorie. Parmi elles, le DuoDay.

Lancée à l’origine en Lot-et-Garonne, cette initiative s’est étendue au niveau national depuis près de 4 ans. Le concept : pendant une journée, un professionnel volontaire accueille au sein de sa structure de travail une personne en situation de handicap. L’objectif est de sensibiliser les employeurs et de faire tomber les préjugés qu’ils pourraient avoir.

Si les DuoDays ont été lancés bien avant la nouvelle municipalité, ils ont doublé depuis l’arrivée de celle-ci. Leur nombre est passé d’une vingtaine à une quarantaine l’année dernière.

Pour Olivier Escots, adjoint au Maire en charge du handicap et de la lutte contre toutes les discriminations, cette initiative est l’occasion de rapprocher les employeurs des personnes en situation de handicap. "Nous devons continuer à travailler à la ville de Bordeaux. Il doit y avoir un intérêt pour les métiers présents dans la collectivité. Nous devons par exemple prolonger l’immersion, que la personne puisse décrocher un stage, que nous puissions accueillir davantage d’apprentis", nous déclare-t-il. Et d’ajouter, "si nous constatons que le travail de sensibilisation ne marche pas, nous mettrons des objectifs chiffrés par direction dans l’année. Un nombre d’embauches de handicapés pour chaque direction. Cette orientation fera que 6% des embauches seront des personnes handicapées."

Pour rappel, la loi du 10 juillet 1987 impose aux entreprises de plus de 20 salariés d'employer au moins 6% de personnes handicapées. En cas de non-respect de ce pourcentage, ces entreprises doivent verser une contribution financière à l'Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) (pour le secteur privé) et au fond pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) (pour le secteur public). 

La Mairie a également mis en place un système d'accompagnement personnalisé. Il s'agit de la permanence usager. Cette initiative permet aux personnes en situation de handicap de bénéficier d’une aide au quotidien concernant par exemple le logement, l'emploi ou le stationnement. Des bénévoles de plus d’une dizaine d’associations font aujourd’hui partie du réseau.

"Nous voulons être inclusifs. Nous nous donnons les moyens de l’être. Nous le faisons savoir"

Actuellement, la Nouvelle-Aquitaine compte un taux d’emploi direct des travailleurs handicapés de 4%, un des plus élevés des régions métropolitaines. Ce pourcentage reste toutefois en deçà des 6% imposés.

Pour Olivier Escots, atteindre des chiffres satisfaisants ne peut se faire sans une étroite collaboration avec les différentes structures compétentes. "Pour consolider notre objectif, il faut travailler avec le réseau des structures qui peuvent nous accompagner : Pôle emploi, Cap emploi, la Maison de l’emploi, etc. Il y a ce travail à consolider d’abord. Mais il y a aussi le réseau associatif. Tous ces acteurs ont bien compris le message public de la ville de Bordeaux. […] Nous voulons être inclusifs. Nous nous donnons les moyens de l’être. Nous le faisons savoir."

Parmi les collaborations envisagées par la Mairie : le Café Joyeux. L’adjoint au Maire a évoqué la possibilité d’éventuels partenariats, notamment la coorganisation d'événements.

En attendant, le travail se poursuit au sein du Café Joyeux. Tatiana finit de servir les derniers clients, d'autres employés s'occupent du nettoyage. La journée s'achève.