Pour la recherche, les robots filent droit au but

En juin 2020, Bordeaux accueille la RoboCup, événement majeur de robotique .  Rendez-vous immanquable pour l'équipe locale qui retape en permanence ses footballeurs multi-titrés. Seule certitude de cette compétition, la recherche en motricité et en intelligence artificielle sortira gagnante.

« Battre les humains en coupe du monde d’ici 2050 » Tel était l’objectif énoncé par le Japonais Hiroaki Kitano, fondateur de la RoboCup en 1996. Le rêve est toujours à portée de pieds pour Nova, l’un des robots footballeurs de l’équipe universitaire de Rhoban.

La formation s’entraîne en périphérie de Bordeaux, à Talence, au second étage du Laboratoire Bordelais de recherche en informatique (LaBRI). Dans cet atelier, les précieux footballeurs sont conçus, formés, choyés, leurs bobos soignés, leurs crampons vissés.

Une dizaine d’ordinateurs ornent ce vaste espace de travail désordonné où les côtoient les automates usés, planqués près de l’armoire à trophées.

Nova, couché sur l’un des ateliers de travail comme un jouet sans pile, fait pourtant grise mine. « Il lui manque un bras car je n’ai pas eu le temps de le réparer, admet Lucie, étudiante en informatique spécialité systèmes autonomes. Il y a eu de la casse l’été dernier. »

Comme pour tous sportifs, blessures, chocs et chutes font partie du jeu. Les vidéos de la RoboCup 2019, organisée cet été à Sydney, en témoignent.

Nova a participé à cette dernière comme la plupart de ses coéquipiers rafistolés à Talence. Cette grand-messe de la robotique, où 3000 congénères autonomes se rendent chaque année, accueille entre autres une compétition de foot par équipe.

L’édition prochaine se jouera à domicile. Une occasion dorée pour créer un engouement local autour de ce « Galactik Football ». Déborah Plat, chargée de mission chez Rhoban, clarifie la chose : cette RoboCup est non seulement un rendez-vous ludique mais surtout, un accélérateur de recherche avant toute chose.

Lève toi et marque

En se concentrant sur le football, la robotique progresse logiquement dans la motricité. Se déplacer comme Neymar nécessite un travail sur les jambes et sur l’appui. Un casse-tête pour les concepteurs qui doivent s’adapter à tous types de revêtements.

« Quand il fallu jouer sur de l’herbe synthétique plutôt que sur de la moquette, beaucoup d’équipes ont galéré, éclaire Lucie. La marche demande un équilibrage complexe chez un robot. Il est incapable de gérer son centre de gravité par lui-même. » Ça n’a l’air de rien, mais derrière chaque mouvement se cachent des années de travail. 

Des dizaines d'heures sont réservées à fignoler les cuisseaux des sportifs. Le défi est aussi et surtout de taille : soutenir une armature d’environ 6 kg. Cette prouesse technique a permis à l’équipe girondine de concevoir des orthèses destinées à pallier la perte de motricité de jambes d’individus bien humains.

Les bases de déplacement peaufinées sont testées chez d’autres types de robots, comme ceux destinés à l’aide à la personne. Le robot “Epock”, par exemple, est aujourd’hui encore incapable de marcher. Les robots marcheurs sont en revanche déjà utilisés par des équipes de secours dans les mines.

De plus en plus d’humanoïdes sont donc capables de marcher, lentement. Quant au jogging, « c’est impossible pour l’instant » enchaîne Lucie.

La marge de progression est cependant grignotée au fur et à mesure que les moteurs des jambes progressent.

A Sydney, Rhoban fut auréolé d’un prix pour simulation de course. A chaque édition, les organisateurs s’amusent en effet à tester les limites des différentes formations présentes via des challenges sportifs.

Au menu de la dernière RoboCup, la touche aura par exemple permis de travailler la flexion des hanches et des genoux du robot. Avec succès, pour Rhoban.

Essaims de drones et voitures autonomes

Aucune année ne passe sans que ne soit élevé le degré d’exigence. Cela se vérifie en terme d’intelligence artificielle, où les concepteurs doivent toujours dépasser les limites techniques. La caméra plantée au-dessus du corps des footeux fait office de tête chercheuse. Elle est équipée d’une excellente reconnaissance d’images, codée en amont par les ingénieurs. 

Lucie abonde : « Il y a un challenge de localisation. Grâce au foot, on planche sur du travail en groupe via des stratégies de haut niveau. Ça nous permet de mieux cerner ce qu’on voudrait faire sur de possibles essaims de drones par exemple. »

La cohésion entre robots n’est déjà pas une mince affaire. « Un réseau de neurones doit avoir une tonne d’image en mémoire pour assimiler ne serait-ce qu’un partenaire, un adversaire voire un ballon à n’importe quelle distance. »

Un travail de sape puisqu’il s’agit d’accumuler les images dans le codage. Ces innovations permettent aux joueurs de foot de mieux se repérer en fonction du nombre de pas réalisés.

« Plus on progressera là-dessus, estime Deborah Plat, plus on améliorera à terme la reconnaissance pour les voitures autonomes ou les robots à interactions sociales. »

Un champ des possibilités vaste comme plusieurs enceintes de foot. En attendant, il n’y a aucun doute qu’à la prochaine RoboCup, Nova mouillera le maillot… ou la carapace.