Le MMA combat pour son acceptation


Le MMA s’apprête à obtenir un statut légal synonyme de reconnaissance institutionnelle. Décrié depuis des années, son objectif reste de combattre les préjugés qui lui collent aux gants.


Courant 2020, les compétitions de MMA devraient être légalisées en France selon la déclaration récente de la ministre des sports Roxana Maracineanu. Un des derniers pays l’interdisant encore. Il n’est pourtant que le mélange de plusieurs sports de combats autorisés, tels que le jiu jitsu brésilien, le judo, la boxe ou encore la lutte. D’où son nom : MMA signifie en anglais Mixed Martial Arts.

La cage en octogone qui empêche les lutteurs de tomber en dehors du ring en fait un sport de combat unique. Les entrainements se font toutefois sur tatami. Dans l’un des 6 clubs de la métropole girondine, douze combattants assistent à l’entraînement au dojo de l’école ADAM (Auto Défense et Arts Martiaux) située à Bordeaux. Yannick, le coach, entraîne bénévolement depuis cinq ans grâce à l’acquisition de son diplôme BMF niveau 3.

“Avant d’intégrer le MMA, je faisais déjà du krav-maga, du kung-fu et du jiu jitsu”. Selon lui, c’est en condensant toutes ces disciplines que ce sport trouve sa particularité. Son principal objectif est d’éviter les blessures. “Ils sont là pour apprendre, se défouler et parfois il faut quand même les canaliser” précise-t-il. Le leitmotiv de ce pédagogue : partager ses compétences et veiller à ce que personne ne se blesse.

"Les cages en ferraille c'est fini"

Yannick, coach

La médiatisation actuelle renvoie une image décalée de la réalité

Evan, l’un d’entre eux, pratique depuis bientôt 3 ans et on le qualifie déjà “d’ancien”. Preuve d’un développement récent apporté par la médiatisation accrue du MMA en France. Les vidéos impressionnantes de KO font le buzz sur les réseaux sociaux. L’UFC, plus grande fédération internationale de MMA, rime avec spectacle, sang et gladiateurs. C’est d’ailleurs ce qui a motivé ce grand gaillard blond.

Vêtu de son tee-shirt Iron Man, il avoue avoir été séduit par ce folklore: “j’avais jamais pratiqué de sport de combat. Ça fait un peu cliché mais quand j’ai vu Conor McGregor, un des combattants les plus médiatiques, ça m’a donné envie”.

Cette communication sensationnelle dessert son développement en France. Entre la vision de “sport de brutes” et le combat “octogone sans règle” voulu par les rappeurs Booba et Kaaris, les préjugés ont la vie dure.

Yannick conteste cette vision et parle d’“un sport très sécurisé qui n’est pas sanglant comme on peut le voir à la télé. Les cages en ferraille, c’est terminé”. Arnaud, pratiquant depuis 5 ans, surenchérit “à l’époque, dans les années 90, c’était vraiment libre, on avait le droit au coup de boule par exemple”. L'entraînement en loisir ne reflète pas du tout cette atmosphère guerrière et sanguinaire.

La précaution domine : “faites gaffe, ça fait super mal à l’épaule” entend-on surgir du tatami au moment des conseils de l’entraîneur.

Un condensé de sports de combat

A l'inverse d'Evan, la plupart des combattants n’en sont pas à leur premier sport de combat.

Boxe en tout genre, pancrace, krav-maga, chacun combat selon sa spécialité. Le MMA étant trop large pour être abordé entièrement en un entraînement par semaine, les combattants profitent des autres arts martiaux enseignés par le club pour se parfaire. Ainsi, personne ne combat avec le même style.

A l'entraînement, l’état d’esprit se rapproche plus du compagnonnage que de la compétition. Les anciens conseillent les nouveaux.

Chacun montre des techniques basées sur son expérience en art martial. Pas besoin de porter la casquette de coach pour partager son savoir.

Jusqu’à présent, les compétitions ne sont pas autorisées en France. Pour goûter un peu à la compétition, les combattants de Yannick s’inscrivent en pancrace, une discipline voisine du MMA dans laquelle seules les frappes au sol sont proscrites.

"Je suis la seule en France dans ma catégorie"

Marine Cruau, combattante

Mais le MMA peine à s'ouvrir aux femmes. En 4 ans de pratique, Marine Cruau, bordelaise de 21 ans, n’a jamais trouvé d’adversaires de sa catégorie. Jusqu’ici, elle s’entraînait avec Yannick, avec qui elle a passé les diplômes d’entraîneur. Mais le MMA loisir ne lui suffisait plus, alors elle s’entraîne désormais deux heures par jour pour tutoyer le rêve de devenir professionnelle. En quittant l’école ADAM pour l’académie Pythagore, elle vient chercher un encadrement qui lui permettrait de passer un cap.

Les choses sont allées très vite pour Marine. Elle n’avait jamais disputé le moindre combat en France, du fait d’un manque total d’adversaire. Cette athlétique blonde au large sourire représente l’un des espoirs féminins du MMA français. Éboueuse l’été, elle donne aussi des cours de self-défense à des femmes par le biais de son association. Elle les pousse à s’inscrire en club. Alors qu’elle cherche désespérément des adversaires, la combattante souhaite déconstruire les préjugés autour de son sport, et pourquoi pas inspirer certaines femmes.

En novembre 2019, elle s’est retrouvée aux Championnats du monde amateurs du Bahreïn à représenter la France, dans la cage face à une Suédoise. Malgré la défaite, elle retient surtout le faible écart qui la sépare du haut-niveau. De quoi la motiver à poursuivre ses concessions. Ce voyage, elle l’a financé par ses propres moyens, comme le reste de l’équipe de France. En l’absence de fédération officielle, l’équipe ne dispose d’aucun budget, si ce n’est celui du sponsor pour ce championnat.

Une légalisation pour faire bouger les lignes

Un championnat dans lequel l’équipe de France a pu se confronter à des pays où le MMA comprend une toute autre importance. “En fonction des pays, on n’a pas la même culture de l’amateurisme, remarque Marine. Pour représenter la Russie, il faut avoir remporté ses 30 combats de qualification du niveau départemental jusqu’au national.” Ces combattants de l’est disposent bien souvent d’un quotidien de professionnel et peuvent rester en catégorie amateur toute leur vie. Un monde sépare donc la France et les nations reines, actuellement. “Notre pays connaît mal la discipline” selon la jeune athlète.

Au niveau sportif, le français Axel Sola tient actuellement son statut de numéro 1 mondial, toutes catégories confondues. Marine veut croire que le retard matériel qu’accuse la France n’est pas gravé dans le marbre. Et la déclaration de la ministre des sports, Roxana Maracineanu, en mai 2019 pourrait faire bouger les lignes : “Au 1er janvier 2020, le MMA existera donc officiellement en tant que pratique sportive professionnelle et amateure en France”. L'UFC (Ultimate Fighting Championship) souhaite même organiser une compétition à Paris l'année prochaine, selon son patron Dana White. Ce volte-face de la ministre n’était pas gagné d’avance. Tous les adeptes du MMA s’amusent à raconter cette anecdote de la visite de la ministre des sports courant 2019, à la MMA Factory de Paris. Devant un entraînement, cette dernière s’est étonnée : “Mais il n’y a pas de sang?”, illustration d’un sport soumis aux préjugés, jusque dans l’esprit de la ministre.

Depuis juin, de nombreuses fédérations françaises de sport de combat se sont positionnées pour récupérer un marché qui pourrait se révéler juteux. Entre le judo, le muay thaï, la boxe et la lutte, difficile de savoir qui remportera le gros lot. A Bordeaux, la municipalité semble aujourd’hui très loin de s’en préoccuper. Guy Accoceberry, adjoint au sport de haut-niveau à la mairie, résume : “Tant qu’il n’y a pas de compétitions gérées par une fédération, la mairie n’a pas d’oeil dessus.”

Pourtant, la création d’une instance apporterait un suivi des combattants et des moyens dans l’Hexagone. Marine attend avec impatience cette légalisation qui lui permettra l’obtention du statut de sportive de haut niveau. Elle se donne deux ans pour devenir professionnelle. Au niveau amateur, les différents clubs de la région bordelaise s’attendent à une croissance forte du nombre d’abonnés. Mais surtout, les combattants espèrent que cette décision viendra légitimer un sport trop sujet aux fantasmes.

Finalement, il n’est que l’association de plusieurs sports de combats populaires et reconnus dont ses propres règles permettent la sécurisation des combattants. Cette sensibilisation constitue le prochain enjeux majeur.