Des déchets viticoles transformés en énergie

A l’orée de nombreuses initiatives européennes, la filière viticole, premier employeur en Gironde, cherche à se mettre au vert dès 2008 avec la réalisation d’un « Plan Climat 2020 ». Dans la foulée, la distillerie coopérative UCVA, à Coutras, en Gironde n’a pas perdu de temps. Elle multiplie les méthodes pour valoriser les déchets viticoles… et la dernière en date, est l’utilisation du marc pour en faire du carburant, l’ED95. Une réutilisation parmi d’autres pour récupérer les sous-produits de la vigne.
Face à quelques maisons éparses, c’est un mastodonte de 55 hectares et plus d’une vingtaine de bâtiments qui se tient fièrement à la sortie de Coutras. A sa tête depuis 1990, Jean-Michel Letourneau. Débit rapide, mains dansantes, sa passion transparait à chaque instant. Il parle avec vigueur du nouveau produit de la distillerie : l'ED95, dernier projet avant sa retraite. Bureau puis visite : plus de 3h sont nécessaires pour comprendre ce colosse d’acier.
Ces montagnes de marc fumant, contiennent de la pulpe. Couplée à la lie de vin, elles permettent de produire de l’énergie renouvelable. L’ED95, produit par UCVA un carburant nouvelle génération composé à 95% d’éthanol non-déshydraté et de 5% d’additif non-pétrolier.
ED95 : recette de fabrication
A partir de la distillation de la lie, s’obtient ce que Jean-Michel Letourneau appelle la « vinasse ». Cette vinasse, tout comme la pulpe de raisin, est mise dans un méthaniseur. À l’intérieur de cette machine, une bactérie méthanogène transforme ces déchets de la vigne en biomasse. UCVA dispose d’une chaudière pour stocker cette énergie.
Un produit qui fait la fierté de la coopérative : « deux bus qui relient Coutras et Libourne roulent maintenant avec ce carburant. Pendant l’été une dizaine de camions faisait aussi la liaison entre l’île de Ré et la Rochelle. » Un carburant issu du recyclage du produit de la vigne, mais dont l’impact est encore limité : « Seuls les camions Scania peuvent utiliser l'ED95, ce qui limite l’impact positif du bioéthanol. La métropole de Bordeaux aurait le projet d’acheter 50 bus qui pourraient rouler à l’ED95, et avec notre production nous pourrions alimenter jusqu’à 130 camions à l’année » s’enthousiasme le directeur avec un large sourire.
Une autre source d’énergie est créée par la distillerie de Coutras : le biogaz. A partir de pulpe séchée et de la méthanisation d’une part de la vinasse, UCVA produit un combustible pour sa propre consommation énergétique. « Grace à la production de biogaz stockée dans une chaudière dédiée, nous sommes 100% autonomes au niveau de notre consommation d’énergie thermique. Pour l’électricité, on est encore chez ENEDIS » développe le futur retraité laissant ainsi des défis à son successeur.
Mais c’est connu, tout est bon dans le raisin...
Si l’ED95 est la valorisation la plus récente, d’autres produits sont élaborés depuis des années à partir du reste des déchets.
Le marc, produit du pressurage et de la décantation du vin, est l’un des déchets viticoles les plus fertile. La transformation commence avec les pépins de raisin blanc non fermentés. « Ils sont extraits du marc, puis séchés à basse température pour une utilisation avant tout pharmaceutique ou cosmétique, pour des marques comme Caudalie » explique Jean-Michel Letourneau.
Le reste quant à lui devient de l’huile à usage alimentaire. « C’est une huile qui n’a pas de goût, vous pouvez même en acheter à côté. Lessieur par exemple l’utilise beaucoup pour faire sa mayonnaise ! » ajoute-t-il malicieusement.
La pulpe, issue du marc, entame sa seconde vie en tant que nourriture pour les animaux, dont la cellulose est particulièrement nutritive pour les lapins. Une autre partie est séchée pour devenir du compost vendu aux particuliers et aux viticulteurs, un beau « retour à la source » comme aime le rappeler Jean-Michel Letourneau.
Autres déchets, la lie et les excédents de vin ne pouvant être commercialisés, sont à nouveau distillés et commercialisés en tant que Brandy. « Nous avons beau être à trois kilomètres de l’appellation Cognac, on ne peut pas vendre sous ce nom, alors on fait du Brandy comme on peut en faire en Afrique du Sud », regrette cet ancien œnologue.
Pulpe, lie, pépin et même le vin, tout est réutilisé afin de ne pas perdre de matière et préserver l’environnement. Avec l’espoir que demain, Pierre, Paul et Jacques pourront rouler à l’ED95.

