Dans l’atelier d’Isao Llorens : « le manque d’argent n’a jamais empêché les artistes de créer »
Ce peintre-sculpteur contemporain, originaire de Catalogne, est confiné dans son atelier, au sein de la Fondation de son père, à Gallifa. Un enfermement qui exacerbe son sentiment d’abandon vis-à-vis du gouvernement et l’incertitude de « l’après Covid ». Malgré les différents obstacles, l’inspiration ne lui manque pas, car comme toujours, l’art transcende les crises.

Alors que Barcelone s’apprête à mettre fin à plus de 10 semaines de confinement strict, Isao n’est toujours pas de retour dans son appartement. Il a décidé de se retirer de la capitale catalane pour passer ces quelques mois au sein de son atelier, à la Fondation Artigas du petit village de Gallifa (44km de Barcelone). Connu pour ses tableaux de papillons, coquelicots, nuages ou lézards c’est de ce petit coin de nature que s’inspire Isao pour ses œuvres. Un confinement fructueux pour la créativité de l’artiste qui a disposé du temps et de l’espace nécessaire pour mener ses productions à bien. Ce lieu, qui fût créé en 1989 en hommage au grand-père d’Isao, le céramiste de Miró, Josep Llorens Artigas. Pourtant le peintre s’inquiète de l’impact de cette « coupure » sur ses revenus artistiques.

Isao Llorens, devant ses oeuvres. (Crédit : Arnau Puig)
« En temps de crise la première chose qu’on arrête d’acheter, c’est l’art »
Isao a eu la chance de commencer son confinement avec quelques projets en cours, notamment les illustrations du livre de poèmes de Joan Punyet Miró, petit fils du peintre Joan Miró. Il craint néanmoins que les retombées se fassent ressentir à long terme. « Il n’y a pas d’expositions, pas de visites d’atelier, les galeries sont fermées et donc aucune vente », regrette-t-il. Depuis son atelier gorgé de soleil, il constate que depuis le début de l’épidémie, l’art n’a pas été une priorité pour ses potentiels acheteurs.
Alors que des artistes sont parvenus à s’adapter à la situation grâce aux réseaux sociaux, il est beaucoup plus compliqué pour les peintres-sculpteurs comme Isao de vendre une œuvre à 1000, 3000 ou 6000 euros grâce à Instagram. Un blocage qui freine énormément l’activité des peintres, qui ne reçoivent aucune aide de l’État.

Les colonnes en céramique réalisées par le père d'Isao, Joan Gardy Artigas, trônent à la Fondation Artigas. (Crédit : Pauline Achard)
« Ici c’est chacun pour soi, tout le monde se démerde »
En Espagne, les artistes ne disposent pas du système de statut d’intermittents du spectacle. Ils sont considérés comme des travailleurs indépendants, « los autonómos », au même titre que les plombiers, les médecins ou les avocats. Un statut pour lequel il est obligatoire de payer au moins 267 euros de charges sociales chaque mois. Isao paye 283,31 euros par mois pour bénéficier de ce statut et de la sécurité sociale.
« Pour quelqu’un dont les revenus sont faibles et irréguliers, c’est énorme », pointe l’artiste catalan.
Pour lui, la culture est la grande oubliée de la politique espagnole. « Déjà ça n’était pas brillant avant la crise, aujourd’hui ça passe en dernier », explique Isao. Bien que le budget de l’État, dédié à la culture ait augmenté de 9,7 % en 2019, cela faisait des années que les gels de dépenses et coupes budgétaires se multipliaient dans ce secteur. En temps de crise, « c’est toujours dans la culture que l’on tape », dénonce-t-il. Sans client, sans aide de l’État, les artistes continuent de produire car « le manque d’argent n’a jamais empêché les artistes de créer ». Dans son atelier, Isao regarde l’avenir avec incertitude. L’après Covid s’annonce épineux pour les artistes en Espagne.